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Low tech tiny house
Low Tech Lab

J'aime et j'en parle: REVOLT

Hello !

 

J’ai eu l’occasion la semaine dernière d’interviewer Clément Chabot à propos d’un jeu qui m’a tapé dans l’œil récemment. Ce jeu, c’est REVOLT : il s’agit d’une approche pédagogique pour saisir la quantité d’énergie que nous consommons en se posant une question très simple : « Si nous devions vraiment pédaler pour produire notre énergie, combien de temps faudrait-il y passer ? » Le jeu permet ainsi de traduire en des mesures appréhendables par tous de ce que nous consommons et de ce que ça représente. Ainsi, si je te dis qu’un foyer Français moyen consomme 19 000 W.h par jour, ça ne te parle pas, mais tu te dis que c’est beaucoup. Si je te dis que ça équivaut à 16 personnes qui pédalent 24/24 pour produire cette électricité juste pour l’électricité de ton foyer, c’est tout de suite plus impactant (et ça ne prend donc pas en compte le gaz, l’eau…). Et comme ça, tu viens de comprendre la notion d’esclave énergétique, très importante quand on veut comprendre pourquoi et comment baisser sa consommation d’énergie, et pour expliquer autour de soi que l’énergie n’est pas bien chère et que c’est pour ça qu’on en abuse autant.

 

Je te laisse découvrir l’entretien, j’ai passé un excellent moment à le réaliser et je remercie encore chaleureusement Clément pour son temps et ses explications !

 

QUI EST DERRIERE CE JEU AU TOP DU TOP ?

Je m’appelle Clément, j’ai 31 ans et j’ai une formation d’ingénieur généraliste. Cela fait 4 ans qu’on a monté le Low Tech Lab, une association de promotion d’un mode de vie plus durable, notamment à travers une approche low tech. Nous sommes plusieurs à l’origine, notamment : Pierre-Alain Lévêque, Corentin de Chatelperron, Quentin Mateus, Amandine Garnier et moi.

L’association a une branche d’expérimentation très forte, par exemple avec le projet Nomade des Mers, qui vise à recenser des solutions low tech dans le monde entier pour permettre de tendre vers l’autonomie. D’ailleurs, en ce moment, Nomade des Mers est au Mexique. Avec Pierre-Alain, nous avons construit une tiny house qui rassemble des objets que l’on utilise au quotidien, pour tester, d’un point de vue confort et ergonomie, si c’était agréable à vivre. Mais également de voir combien coûte un tel habitat, au bout de combien de temps on a un ROI (retour sur investissement NDLR) et un impact environnemental. Et ça performe très bien sur les 3 éléments d’évaluation que l’on prend en compte (ergonomie, environnement, économie). Nous avons travaillé avec des ergonomes pour l’aspect désirabilité, hédonisme, utilité, etc. Pour l’environnement, nous avons utilisé le document de cycle de vie des produits. Et sur l’économie, nous avons utilisé les outils de ROI classique.

L’habitat low tech – Low Tech Lab

COMMENT EST NEE L'IDEE DE REVOLT?

Nous faisons depuis longtemps dans l’asso un travail de pédagogie. Pour donner envie aux gens de se lancer. Et la vidéo que tu connais de Robert Förstemann, champion de cyclisme, qui tente de griller une tranche de pain à la force de ses jambes, nous a beaucoup marqué aussi. 

Au Low tech Lab, nous faisons des vélos générateurs depuis un moment et nous avons commencé à faire des comparaisons en « nombre de cyclistes ». Avec ça, nous avons fait des conversions par rapport à l’existant (par exemple, un barrage = combien de cyclistes).  C’était il y a 2 ou 3 ans. Et quand nous avons construit cette maison avec Pierre-Alain, il fallait qu’on produise l’électricité sur place parce qu’elle n’est reliée à rien, cette tiny house. Alors nous avons mis des panneaux solaires, mais c’est pas génial ni super écolo (en termes de durabilité, de high tech, d’extractions de matériaux rares…).

Eoliennes et panneaux solaires contiennent des matériaux rares et des composites peu largement disponibles. Et on se leurre quand on se dit qu’on peut tous passer à des systèmes renouvelables. Nous n’avons pas les ressources pour ça. Ce n’est pas possible à grande échelle. Lorsque nous avons dû penser notre installation électrique, nous avons fait un profil énergétique de la maison. Cela veut dire noter tous les objets qui servent et combien de temps, ainsi que leur puissance, pour avoir une idée très précise de ce que tu consommes.

C’est avec toute cette approche très technique et l’expérience plus pédagogique des vélos générateurs que je me suis demandé comment mélanger les deux. C’est comme ça que REVOLT a vu le jour. On parle beaucoup aujourd’hui de « transition énergétique », mais si on ne comprend pas ce qu’on consomme, on ne peut pas s’améliorer. La compréhension et l’apprentissage sont la première étape pour mettre en place du changement. Je me suis dit que ce jeu pouvait être une bonne brique pour comprendre ce qu’il se passe chez soi.

Cartes du jeu REVOLT - Clément Chabot

COMMENT EST-CE QUE CE PROJET A DU SENS POUR TOI?

C’est un projet qui est lié à l’approche technique de notre maison, et à l’approche pédagogique qui me paraît essentielle. Les unités de mesure, ça ne parle à personne, même à des professionnels de l’énergie (et je parle d’expérience !). C’est tellement abstrait qu’on peut nous enfumer sans savoir de quoi on parle. Nous, dans cette maison expérimentale, nous consommons beaucoup, beaucoup moins qu’un foyer moyen.

Le plus important, ce n’est pas tellement les chiffres, c’est de bien vivre, de ne pas avoir l’impression de se priver.

Un foyer français consomme en moyenne 19 000W.h par jour, et nous, nous sommes à 250W.h. 19 000W.h, ça fait 380 heures de vélo par jour, juste en électricité. C’est l’équivalent de 16 personnes qui pédalent pour toi, juste pour l’électricité. En d’autres termes, la consommation moyenne d’un Français, c’est 16 esclaves énergétiques par jour. Alors que nous, nous sommes à l’équivalent de 5h de vélo par jour.

Frigo Low Tech et stockage de nourriture - Low Tech Lab

Autre chose qui est super important, et que j’ai essayé de creuser avec REVOLT, c’est cette notion d’imaginaire. Toutes nos prospectives sont très technologiques, tous nos futurs sont hyper connectés, avec des interfaces hyper intelligentes, des voitures qui roulent toutes seules. C’est le seul futur qu’on nous présente. En tant qu’animal, notre corps il va où on regarde. Ainsi, pour moi, il y a un gros travail à faire autour de ce sujet qui est de créer les imaginaires du nouveau futur, de la réparabilité. Un futur désirable qui sort de cette logique classique d’extraction –production –  consommation - poubelle.

Nous sommes intimement convaincus que le changement viendra par le bas et nous essayons, à notre niveau de donner les moyens à chacun de s’engager, de voir quelles actions ils veulent soutenir.

REVOLT - Clément Chabot

ET JUSTEMENT, S’ENGAGER POUR L’ENVIRONNEMENT, CA RESONNE COMMENT POUR TOI ?

C’est nécessaire en tant que société mais en tant qu’individu pour moi. En tant qu’ingénieur, on n’est pas aiguillé vers l’écologie en premier lieu. J’ai travaillé dans l’aviation en premier d’ailleurs. Mais je me demandais quelle valeur j’apportais au quotidien, alors j’ai changé de voie. Nous sommes tous à vouloir aller plus loin, plus vite, plus fort. Mais la planète, elle, nous survivra. La question, c’est qu’est-ce qu’on peut faire nous, humains, pour être bien le temps qu’on est sur terre

 

FINALEMENT, QU’EST-CE QUE CA REPRESENTE POUR TOI, DE FAIRE CA ?

C’est un humble témoignage : montrer qu’aller moins vite, vouloir moins, c’est être mieux. Ne pas trop écouter les chimères et sirènes qui chantent d’acheter plus, d’aller plus loin…

Ca fait 100 ans qu’on est dans la quête de ce vieux futur. Quand je dis « vieux futur », c’est par opposition au nouveau futur. On a cru qu’en sous-traitant à des machines on serait mieux, que cela nous permettrait de passer plus de temps ensemble. C’était la promesse de ce progrès technique. Or, 100 ans de cheminement nous prouvent qu’on a eu tort. On n’a jamais eu autant d’inégalités, de pauvreté, nos vieux sont dans des EHPAD et on ne les voit pas, ils sont isolés, on voit moins nos amis qu’avant…

 

Tout cela, tu ne peux pas le réaliser autrement qu’en le vivant. Il faut vivre l’expérience, car les mots ne suffisent pas. C’est pas du tout radical comme changement, les choses vont se mettre en place au fur et à mesure : consommer autrement, avoir d’autres rapports aux autres. C’est un cheminement, et moi aussi j’ai beaucoup changé ces dernières années. L’idée n’est pas d’être dogmatique, c’est plus compliqué que « bien » ou « mal ». Ca prend énormément de temps, mais les choses changent.

REVOLT - Clément Chabot

POUR FINIR, QUEL CONSEIL DONNERAIS-TU A CELLES ET CEUX QUI VEULENT S’ENGAGER, A LEUR NIVEAU, POUR L’ENVIRONNEMENT ?

Jouer à REVOLT ! Se poser des questions. Ce qui me fait du bien, c’est de lire des bouquins autour du sujet. Evidemment, quelque chose de très efficace, c’est de faire du vélo. On imagine plein de choses high tech, mais il faut penser low tech et le vélo, c’est génial pour ça.

Il faut faire les choses avec le cœur, pas qu’avec la tête. Ne pas se mettre une pression de fou, parce que si ça ne nous plaît pas, ça ne va pas durer

Il ne faut pas trop se contraindre : s’il pleut, tu peux prendre ta voiture, faut avoir envie. Du vélo, tu en feras un peu au début, puis un peu plus à chaque fois, jusqu’à ce que ça devienne systématique. Et un jour, tu pourras te passer du frigo l’hiver quand il fait suffisamment froid dehors.

En somme, s’émerveiller du vivant, des humains comme des autres êtres vivants. Il ne faut pas que ce soit une approche intellectuelle. Il faut qu’il y ait du cœur et il faut qu’il y ait du corps.

 

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J'espère que cet entretien t'a plu! Je t'ajoute ci-dessous quelques ressources intéressantes:

Le jeu REVOLT est disponible sur http://www.la-revolt.org/ et est sous licence Creative Commons. Tu peux l’utiliser, l’adapter et le partager en précisant les crédits et la licence : REVOLT par Clément Chabot, disponible sur la-revolt.org, un jeu sous licence CC BY-NC-SA.

 

Tu peux aller aller voir ce qui se fait sur la chaine Youtube de Low tech Lab si tu veux découvrir la fameuse tiny house dont me parlait Clément durant l’entretien.

 

Enfin, si tu veux creuser plus loin et FAIRE TOI-MEME (!) ton propre habitat low-tech, sache que tu peux t’inspirer du rapport énergétique, ergonomique et économique de la tiny de Concarneau qui est accessible ici et que l'asso a également un wiki mettant à disposition certaines ressources. 

 

Bonnes parties de jeu et à la semaine prochaine !

 

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